






(La version française suit la version anglaise)
Lieux-Monuments is a body of work whose production began in Paris, in 2017. Using a digital camera body without a lens, I photographed the iconic places and monuments around the city. The camera thus acts as a kind of blind sensor, capturing—at best—a glimmer, a colour, or just the passage of light. The shadow cast by a part of the camera body, parasitical light sources, digital noise, and other undesirable effects may also become components of the image. As I wander through Paris and other cities, a blind and necessarily unachieved repertoire of places and monuments will thus be created. To date, several hundred shots have been taken in cities such as London, Berlin, New York, Vienna, Copenhagen, Edinburgh, Geneva, Basel, Madrid and elsewhere. — Read Artist Statement.
/
Created using a lens-less digital camera body, the photographs in the Lieux-monuments [Places-Monuments] series are a record of the encounter between light and the camera, which the artist points towards a different iconic location in every city he visits. The results are single-colour images, sometimes marked by a dark edge or curve that appears when light passes through the camera body: clues that bring us back to the photographic process itself rather than the photographed subject.
At the core of Martin Désilets’ work is the desire, in his words, “to delve into the fundamentals of photography and explore its misuses.” While thousands of other people reflexively document the famous monuments they see on their trips, Désilets paradoxically produces a non-image that is all the more unique even though it contains none of the details a more typical image would have, except for being an expression of the photographer’s presence at that site. The work thus avoids the “platitude” of photography, which the French critic Roland Barthes associates with the “evidential power” of the medium. In his book Camera Lucida, Barthes states, “In the image, the object yields itself wholly, and our vision of it is certain […] This certitude is sovereign because I have the leisure to observe the photograph with intensity; but also, however long I extend this observation, it teaches me nothing.” That is, the photograph tells me nothing more than what it describes.
In Lieux-monuments, Désilets offers not so much something to look at than to perceive: the works are not illusory representations of reality, but rather evocations of its experience. They suggest that reality is perhaps not located within the image, but in the experience that surrounds it. The passage of light we see sweeping across the surface, by evoking the feeling of the duration of a lived moment, is a material suggestion of this idea. These visual objects are resistant to straightforward observation. By forcing us to interpret them, by triggering uncertainty and sharpening our thought-process, they certainly deviate from the “platitude” of photography and contribute to the ongoing disruption of the medium.
— Anne-Marie St-Jean Aubre, excerpts from the text about Lieux-monuments in Les tableaux réunis, my exhibition presented from June 19 to September 6, 2021, at Musée d’art de Joliette.
— VERSION FRANÇAISE —
Lieux-monuments est un corpus dont la réalisation a débuté en 2017 à Paris. En utilisant un boitier d’appareil numérique sans lentille, j’ai photographié les lieux et les monuments iconiques de la ville. Le boitier devient ainsi une sorte de capteur aveugle ne pouvant enregistrer du réel qu’une lueur ou une couleur, voire le seul parcours de la lumière. L’ombre projetée d’une partie du boitier, les lumières parasites, le bruit numérique et d’autres effets indésirables font notamment partie des composantes de l’image. Au gré de mes déplacements dans Paris et d’autres villes, un répertoire aveugle, nécessairement inachevé, de tous les lieux et monuments sera ainsi créé. À ce jour, plusieurs centaines de prises de vue ont été réalisées dans des villes comme Londres, Berlin, New York, Vienne, Copenhague, Édimbourg, Genève, Bâle, Madrid et ailleurs. — Lire le texte de démarche.
/
Réalisées à partir d’un boîtier photographique numérique employé sans lentille, les images de la série Lieux-monuments sont un enregistrement de la rencontre entre la lumière et l’appareil, pointé chaque fois vers un lieu iconique de villes que l’artiste parcourt en voyage. Ne résulte de l’expérience qu’une couleur, marquée parfois d’une arête ou d’une courbe témoignant du parcours de la lumière au sein de l’appareil lui-même : autant d’indices qui renvoient au processus photographique plus qu’au sujet photographié.
Au centre de la démarche de Martin Désilets se trouve le désir, en ses mots, « d’approfondir les fondamentaux de la photographie et d’en explorer les mésusages ». Reprenant les gestes de milliers de personnes qui, devant des monuments célèbres, ont le réflexe d’en fixer la découverte, Désilets produit paradoxalement une non-image qui est d’autant plus singulière qu’elle ne représente aucun des détails de ces clichés communs, si ce n’est que la manifestation de la présence du photographe en ces lieux. L’œuvre évite ainsi la « platitude » de la photographie que le critique français Roland Barthes associe à la « force d’évidence » du médium, qu’il déplore en ces mots dans La chambre claire : « Dans l’image, l’objet se livre en bloc et la vue en est certaine […]. Cette certitude est souveraine parce que j’ai le loisir d’observer la photographie avec intensité; mais aussi, j’ai beau prolonger cette observation, elle ne m’apprend rien. » C’est-à-dire qu’elle ne m’apprend rien de plus que ce que la photographie décrit.
Avec les Lieux-monuments, Martin Désilets donne moins à voir qu’à percevoir : les œuvres ne se présentent pas comme des représentations illusoires du réel, mais plutôt comme des évocations de son expérience. Elles laissent entrevoir que le réel ne se situe peut-être pas dans l’image, mais dans l’expérience qui l’entoure. Le passage de la lumière balayant la surface qui nous est montrée, en évoquant le sentiment de la durée d’un moment vécu, suggère matériellement cette idée. Ces objets visuels résistent à la simple observation; en forçant l’interprétation, en stimulant le doute et en aiguisant la réflexion, ils s’éloignent définitivement de la « plate » photographie, qu’ils contribuent à inquiéter.
— Anne-Marie St-Jean Aubre, extrait du texte de présentation de Lieux-monuments, dans mon exposition Les tableaux réunis, présentée du 19 juin au 6 septembre 2021 au Musée d’art de Joliette.